Ali Baba et la Chambre des secrets

16 07 2011

Petit interlude dans mes travaux de rédaction. Fort du principe que se reposer, c’est changer de fatigue, j’ai plongé dans le chaos de ma chambre d’ami, terme resté en vigueur malgré la prolifération qui l’habite plus souvent que du monde de passage. Bravant les tours plus ou moins branlantes de bouquins, livres de poches et autres amoncellements de papelards divers, j’ai plongé et lancé une campagne d’excavation pour retrouver des ouvrages sur les Monty Python que je sais avoir (ici AFR clique sur J’aime sur FB), mais sans savoir où (ici, AFR clique sur Je n’aime plus).

Oui, c’est un problème.

Comme à chaque fois, c’est l’occasion de me remettre en contact avec ma mémoire ancestrale, de déplacer et d’épousseter des piles de fanzines, de magazines et de livres que les mouvements complexes de la tectonique des empilements ont retiré à ma vue et à ma connaissance depuis longtemps. J’ai ainsi renoué avec une quantité invraisemblable de fanzines: je ne pensais pas avoir dessiné autant de couvertures pour Yellow Submarine; j’ai exhumé de nombreux numéros du catalogue de la mythique librairie Ailleurs, certains portant des couvertures plus ou moins réussies issues de ma plume, entre autres un Peter Pan dont j’ai toujours été assez content et ma première illustration de Gareth, un panda de sword & sorcery (1984!); et j’ai déterré une pile de Manticora (ici, c’est Philippe Ward qui clique J’aime), mais surtout des trois derniers numéros, alors que je cherchais le 6 et le 8 (ici, Philippe Ward clique sur Je n’aime plus).

J’ai ramené à la lumière du jour des fanzines finnois, photocopiés et imprimés, une pile de photos de vacances aux États-Unis (que je vais inspecter de près, quand j’aurai le temps), une boîte de diapos pour une conférence sur les mangas, le n°1 de Warrior (avec Axel Pressbutton et V for Vendetta), quelques exemplaires de Comics Unlimited, le fanzine d’Alan Austin, avec plein de dessins de Jean-Daniel Brèque, de John Bolton et d’autres, des Mangazone et des Scarce, une lettre de Bill Mantlo, deux ou trois romans ou recueils dont j’ignorais totalement que je les possédais, deux exemplaires de mon mini-fanzine Dõbutsuen qui ont de fortes chances de se voir affichés un de ces quatre matins sur mon autre blog, des mauvaises photocopies de vieilles bandes dessinées, plus ou moins collées ensemble, et des numéros du Bulletin du SFFAAN (orthographe non contractuelle) où était paru Mulberry Bloom, première bédé longue dont j’ai atteint le terme. Et dont je n’ai jamais récupéré les originaux…

Et bien sûr, des Python, encore rien, alors que je suis certain qu’un rare petit opuscule d’étude sur eux doit se situer dans cette zone.

Bon, je me repose un peu de ma station debout prolongée, jambes écartées au-dessus d’une boîte en carton éventrée vomissant d’anciens numéros de Starfix et des Cahiers de la Bande Dessinée, et puis j’y repique.

Un jour, faut que je range sérieusement, là-dedans…





Sampo! (2)

15 11 2010

Or donc, avant quelques digressions, nous parlions du Kalevala, recueil de poèmes compilé par Elias Lönnrot, et du Sampo, cet instrument merveilleux, œuvre du forgeron Ilmarinen, qui moulinait la prospérité par magie et crachait un flot ininterrompu de grain, de sel et d’or. Les mythes inspirent souvent l’art. Mais le Kalevala narre une mythologie somme toute assez locale, longtemps restée circonscrite à la Finlande au sens large. À partir de 1849, la publication des textes par Lönnrot offre désormais au mythe une base de propagation.

Nous avons vu combien ce poème avait inspiré en particulier Akseli Gallen-Kallela. En illustrant les figures principales, les scènes marquantes, ce peintre grand voyageur (il a fait des séjours à Paris, il visitera l’Afrique) apporte à l’œuvre une assise visuelle forte, au caractère finlandais marqué, inscrit dans le mouvement d’indépendance qui agite le pays en ce début de XXe siècle. Certaines de ses toiles, fresques ou illustrations sont devenues iconiques. «La Défense du Sampo», moment où Louhi, la sorcière de Pohjola, métamorphosée en oiseau géant, attaque le vaisseau de Väinämöinen ramenant le moulin magique vers le Kalevala, est une image qui a dépassé le seul cadre de la Finlande.

Cependant, les représentations extérieures restent rares, et accompagnent en général les diverses éditions du poème En 1912, aux USA, un superviseur des écoles de l’Indiana, James Baldwin (aucun rapport avec l’autre), parmi plusieurs volumes de mythes destinés aux jeunes gens, rédige un The Sampo, dont il avertit en préface qu’il est réarrangé en un tout cohérent, que Baldwin s’est débarrassé de la forme originelle («d’éternelles cadences monotones», trop sympa…) et qu’il a ajouté çà et là des détails de son cru. L’ouvrage est illustré de peintures de N.C. Wyeth, apparemment peu nombreuses et très mal reproduites en noir et blanc dans l’édition brochée que j’en possède, hélas. Heureusement, j’ai déniché sur le Net une reproduction plus satisfaisante du «Magician and the Maid of Beauty», placée un peu plus haut, illustrant la première rencontre entre Väinämöinen et la Vierge de Pohjola.

La célèbre collection des Contes et légendes de chez Nathan consacrera en 1947 un volume à la Finlande, qui s’avère malheureusement difficile à trouver (ou cher, ce qui aboutit au même résultat pratique). Il semblerait que le volume compilé par Lucie Thomas ne se cantonne pas exclusivement à des légendes tirées du Kalevala, mais intègre aussi divers poèmes tirés d’autres sources, comme «Maamme», celui qui forme les paroles de l’hymne national finlandais.

Il existe également diverses traductions du poème de Lönnrot, mais la plupart sont des ouvrages à visées plus linguistiques qui, lorsqu’ils ne se bornent pas à reprendre une peinture de Gallen-Kallela en couverture, optent pour une sobriété de littérature dite sérieuse — ou, du moins, universitaire. Toutefois, une traduction étasunienne par Eino Friberg s’illustre assez richement par des images de Bjorn Landstrom (édition que je ne possède pas, hélas; on ne peut pas tout avoir).

Si la littérature est finalement assez chiche de représentations (même la fantasy, grande dévoreuse de mythes à recycler, ne s’est guère aventuré dans ce domaine), si le cinéma ne brille guère par une profusion plus grande (nous en reparlerons dans la troisième partie — oui, il y aura une troisième partie, ça commençait comme une notule, ça tourne au roman-fleuve), on peut se tourner vers la bande dessinée qui, tout comme la fantasy, est souvent friande de mythes à illustrer, détourner ou métamorphoser.

Mais là encore, il faut le reconnaître, la moisson est assez chiche. Pour l’essentiel, elle se cantonne à des productions finlandaises, ce qui est logique — qui est mieux placé? — mais confirme la particularité géographique du mythe.

Pourtant, nous traiterons d’abord d’une curiosité conçue à l’étranger, parce qu’elle se résume à peu de choses, hélas: Après son Amant de Lady Chatterley et son Casanova, Hunt Emerson avait envisagé de dessiner une adaptation parodique du Kalevala. L’idée lui en était venue après plusieurs visites dans le cadre du très sympathique Festival de la Bande dessinée de Kemi (trente ans l’an prochain!), sans doute soufflée par quelques-uns des participants. L’idée lui sembla bonne et il se lança dans une adaptation,  dessinant des premières versions des protagonistes, les rebaptisant pour leur donner des noms plus aisés à prononcer à l’international — Lemminkaïnen devient Lover-Boy, par exemple. De façon regrettable, Hunt a dû abandonner le projet au bout de neuf pages seulement, faute d’avoir trouvé un éditeur pour le financer. Dommage. Actuellement, il est à l’œuvre sur La Divine Comédie de Dante, une œuvre sans doute plus universellement connue.

Se moquer d’un mythe local n’avait pas de quoi choquer les Finlandais: ils se sont eux-mêmes livrés à l’exercice, tout particulièrement dans un assez rigolo Koirien Kalevala, le «Kalevala des Chiens», un ouvrage copieusement illustré par Mauri Kunnas. Comme son titre l’indique, le récit révise la saga du Sampo à l’aune de valeureux héros canins qui affrontent les épreuves et la terrible et rébarbative sorcière Louhi, pillant au passage les plus fameuses illustrations de Gallen-Kallela pour les faire basculer dans des pagailles roboratives (à ce titre, les noces d’Ilmarinen et de la rougissante Vierge de Pohjola ont un petit quelque chose de Dubout). Une version assez épatante de toute l’affaire, où le Sampo représenté, forcément, suit le modèle créé par Gallen.

Il existe également une adaptation finlandaise du Kalevala, plus récente, disponible également dans une traduction anglaise. Des quelques illustrations qu’on en voit, il semble que ce soit une version traitée dans un style assez réaliste. Je ne vous en dirai pas plus, faute, encore une fois, de l’avoir lu.

Mais, finalement, la version la plus connue, la plus largement publiée (à l’échelle mondiale, en fait), est sans conteste celle qu’en a tirée Don Rosa, dans sa Quête du Kalevala (Sammon salaisuus en finnois!). Invité à une convention de bande dessinée en Finlande —  pays où Donald Duck est un personnage extrêmement populaire, Carl Barks est une idole, de même que Don Rosa —, il a l’idée d’expédier Picsou et ses neveux en Finlande sur la piste des fragments du Sampo, localisés par une demi-page arrachée au manuscrit original de Lönnrot.

Solidement documenté sur les décors locaux (et notamment pour une scène délirante où un monstre marin est dépêché par Louhi pour semer la panique dans Helsinki — il brise une des lampes des géants de la belle gare construite par Saarinen, le sauvage!), Rosa couvre assez bien les grandes phases de la Quête du Sampo, envoyant les canards jusqu’à Tuonela, le pays de la Mort, pour réveiller Louhi. Les personnages du récit d’origine cèdent en partie la place à leurs équivalents dans la riche galerie des personnages de Donaldville: Géo Trouvetou vient suppléer à la carence d’Ilmarinen, et Louhi, quand elle ne peut exercer ses méfaits, invoque sa collègue Miss Tick afin de s’en occuper pour elle.

L’histoire fut publiée en exclusivité en Finlande (avec une page supplémentaire exclusive, un gag final où Tuoni revient voir Picsou) et ensuite diffusée dans tous les pays où paraissent les comics Disney, ce qui représente un joli public. C’est sans doute à ce jour le plus grand succès qu’ait rencontré une version du Kalevala en bande dessinée.

En guise de coda, signalons une curiosité, la parution récente d’un album de bédé sur la vie d’Elias Lönnrot avant qu’il ne compose le Kalevala. Signé Ville Ranta, le récit de L’Exilé du Kalevala traite moins de la rédaction de son œuvre littéraire, voire de sa collecte, que de sa vie de médecin exilé au plus profond d’une campagne retirée de Finlande. Une œuvre de démythification du personnage du forgeur de mythe, en quelque sorte.

La prochaine fois, on conclura ce petit bavardage bien loin d’être exhaustif par quelques apparitions du Sampo au cinéma. Ce ne sera pas abondant, mais ce devrait quand même être assez curieux.





50 le 10

10 11 2010

Ce jour joliment semi-palindromique du 10/11/10 marque le cinquantième anniversaire de Neil Gaiman. En cette occasion, j’ai ressenti subitement l’envie d’épousseter mes crayons et de faire un joli dessin. Bon, pour l’encrage, la mécanique est encore un peu rouillée, mais c’est surtout l’intention qui compte.

Du moins, c’est ma version et je n’en démordrai pas.

Maintenant, l’intéressant va être de savoir combien de gens vont reconnaître les personnages. Même dessinée par moi, la jeune personne de droite ne devrait pas présenter de difficultés surhumaines. En revanche, les deux zigotos de gauche risquent d’en méduser plus d’un.

…et accessoirement, ça fait juste un peu plus de trois ans que j’ai démarré un blog. C’est fou.





Samedi plein

19 09 2010

Comme à chaque fois, le samedi est le gros jour de la FantasyCon. Ce jour, et sautant deux ou trois débats pour aller fureter dans Nottingham (j’ai trouvé la librairie de la ville, c’est un Waterstones, et il est pas formidable), j’ai trouvé le moyen de suivre l’interview de Lisa Tuttle, invitée d’honneur, celle de Bryan Talbot, également invité d’honneur, la party de lancement de sept nouveaux titres chez PS Publications, le débat sur le changement de genre chez les auteurs et le Brighton Bash, la party annonçant que l’an prochain, pour les trente ans de FantasyCon, les festivités se dérouleraient à Brighton (retour au Royal Albion qui a vu en mars dernier la grande réussite de la World Horror Convention), ainsi que, peut-être, la World Fantasy Convention en 2013. Et probablement aussi en 2012, histoire de faire le pont. Adieu, donc, aux charmes discutables de Nottingham (personnellement, l’accessibilité supérieure de Brighton me semble encore un point en sa faveur) et transport sur la côte pour le futur proche. C’est plutôt une bonne nouvelle.

Le temps d’un passage au May Sum, le restaurant buffet chinois signalé hier, et c’est le retour, lestés, à temps pour la cérémonie des British Fantasy Awards. Notés à la volée dans l’ordre où ils étaient annoncés, les voilà:

Karl Edward Wagner Award: Robert Holdstock

Best TV programme: Doctor Who

Best film: Let the Right one In/Morse

Best comic book or graphic novel: Whatever Happened to the Caped Crusader par Neil Gaiman & Andy Kubert

Best Magazine: Murky Depths

Best non-fiction: Ansible de David Langford

PS Publishing award for Best small press: Telos, de David Howe.

Best artist: Vincent Chong

Best Anthology: The Mammoth book of Best New Horror 20, dirigé par Stephen Jones.

Best Collection: Love Songs for the Shy and Cynical, de Robert Shearman

Best Novella: « The Language of Dying » de Sarah Pinborough

Best Short Story: « What Happens when you wake up in the night » de Michael Marshall Smith

Best Novel: One, de Conrad Williams

Edit: en bonus track, une vidéo de la remise, en tout début de cérémonie, du Sydney J. Bounds Award pour le meilleur nouveau venu, ou, dans le cas présent, de la meilleure nouvelle venue, qui échoit à Kari Sperring pour « Living with Ghosts ». Qui plus est, à 1:04 ou 1:30, vous pouvez avoir le bonheur ineffable de me contempler de dos, sur la droite, au milieu de l’écran, ce qui n’est pas un détail à négliger.

Comme de coutume, une cérémonie très animée, souvent très drôle (Robert Shearman lisant, en l’imitant, le message de remerciements de Russell Davies pour le prix décerné à la série Doctor Who), mais avec aussi quelques moments d’émotion, notamment de Ramsey Campbell, qui a prononcé quelques mots pour le prix posthume décerné à Robert Holdstock, un homme connu et apprécié de beaucoup dans la salle; de la part de David Howe, qui fêtait sur ce prix le dixième anniversaire de sa petite maison d’édition Telos; de Sarah Pinborough, dont la nouvelle récompensée a été inspirée par la mort d’une amie; et de Conrad Williams qui, pour la première fois, accède à la récompense pour le meilleur roman de l’année. Et également de Stephen Jones, dont le prix célèbre également le vingtième anniversaire d’une entreprise soutenue de promotion des meilleurs textes de l’année en horreur. Steve a d’ailleurs rendu hommage à Ramsey Campbell, qui l’a aidé à ses débuts, et à Karl Edward Wagner, qui avait donné sa bénédiction au projet.

Bon, ben voilà, c’est quasiment fini: demain matin, je plie bagages, j’assiste à un ou deux panels, mais hélas pas à celui de Bryan Talbot sur la bédé animalière, annoncé trop tard pour que je puisse changer les horaires de mon départ. Même chose pour la tombola de l’après-midi, une initiative de dernière minute. Mais au moins n’aurai-je pas l’occasion de crouler sous le poids des lots gagnés. On se console comme on peut.





Tebeos: ¡Las divertidas aventuras de un hombre del siglo XXI!

30 06 2010

En un temps si lointain que les gens d’aujourd’hui en parlent dans un chuchotement respectueux, comme il convient aux temps de la fable, l’été, c’était l’occasion dans les kiosques et chez les marchands de journaux français de faire venir un surplus de publications étrangères, afin de donner de la lecture aux ressortissants d’autres pays en villégiature chez nous. Et, pour les petiots, on rajoutait une louche de bandes dessinées, et l’on pouvait ainsi découvrir ici un Topolino, là un Fix und Foxi. Il fut même une époque, si oubliée que les plus jeunes s’émerveillent que l’univers ait pu contenir tant de temps en son sein, où on trouvait aux éventaires des comics de chez Marvel.

Cette époque semble bien révolue. Certes, on fait toujours venir de la presse quotidienne (la presse française, outre le fait qu’elle est écrite en français, s’intéressant fort peu à ce qui se passe par-delà les frontières, pour se concentrer sur les choses qui comptent, comme les dernières pantalonnades de notre équipe de foot, les étrangers, s’ils désirent connaître les fadaises de chez eux, ne peuvent compter que sur leurs propres journalistes) et la presse pipole (parce que nous n’avons pas les mêmes qu’eux et que les non entités qui tiennent le public de Voici captivé laissent de marbre les gens d’outre-frontière qui s’intéressent à des produits tout aussi cantonnés à leur terroir).

Mais les bambins ont d’autres soucis que les bédés, et ne justifient plus l’import de productions étrangères.

Bref, pour lire de la bédé d’ailleurs, il faut donc profiter des voyages, qui sont conçus de toute façon pour former la jeunesse — tout se tient.

D’un très court séjour à Barcelone, j’ai donc ramené une poignée d’albums de dates diverses, de styles variés et de qualité infiniment subjective, car choisis au feeling.

Tout d’abord, un bouquin qui n’est pas tout neuf, Manuel no está solo, une intégrale — semble-t-il — des rares bédés de Rodrigo, qui a signé dans les années 80 un long album (Manuel) qui déployait une histoire d’amour impossible (?) sur le décor splendide de la Madrid gay, et une poignée d’historiettes (dont une de deux cases sur deux pages), où des personnages se promènent dans des décors minutieux, laissant au mouvement le soin de fournir la narration.

Album plus récent par sa publication, à défaut de par son contenu, Las Aventuras de Gustavo réunit les exploits du personnage récurrent de Max, le dessinateur catalan, connu pour son magnifique graphisme épuré.

Né avec les années 70, Gustavo évolue avec la maîtrise de Max, démarrant dans des histoires très marquées par l’underground des années 1970 et 1980, tant par le dessin que par les sujets, même si les centrales atomiques et la répression policière croisent invasions extra-terrestres et savants fous. Le tout constitue un épais volume cartonné paru chez la Cúpula au mois de mars dernier.

Pas très récent non plus, apparemment, Total Hero, un recueil de gags signé par Pèrez Navarro et Sempere,  autour d’un gamin totalement immergé dans ses comics, ses jeux vidéo et autres obsessions de geek. Le dessin est séduisant, un genre de croisement entre Janry et Vatine. Les gags sont d’un humour très classique, mais somme toute plaisant. L’album, cependant, semble remonter aux débuts de la décennie, ce qui, comme il était annoncé comme le premier de la série (Un hèroe en casa), laisse penser qu’elle n’a guère rencontré le succès, puisque je n’ai trouvé que ce volume, soldé à la librairie Universal de Barcelone.

Plus chanceux, mais il faut l’avouer, plus rigolo aussi, Carlitos Fax ¡Las divertidas aventuras de un robot del siglo XXXI, d’Albert Monteys nous dépeint, comme le titre l’indique, les démêlés d’un robot qui tient au trente-et-unième siècle le rôle de fax au journal la Voz de Andrómeda, mais rêve d’être un vrai journaliste, à la place de ce bellâtre de Flash Norton (une sorte de Tintin qui serait incarné par William Shatner), l’enquêteur star du journal, connu et adoré de toute la galaxie. Aidé de son robot caméra, Anibal, Carlitos traque toutes les occasions de piquer la vedette à Flash (n’hésitant pas à bloquer sa porte avec un balai coincé sous la poignée ou à lui offrir des places à un concours de beautés nues) et de rapporter le scoop qui fera la une, qu’il s’agisse de l’invasion annuelle de ces couillons de Marsiens, de l’envahissante mode du clonage récréatif, du dernier concert de Charlie Sampler ou de la découverte de l’ultime planète inconnue de la galaxie. Une qu’il décroche souvent, pas toujours pour les meilleures raisons, et chaque courte aventure (trois pages) se conclut sur une vision de la manchette du journal et une case de chute cocasse.

Souvent désopilante par ses dialogues et ses situations, cette nouvelle série d’un des créateurs du dingue Mondo Lirondo — revue animalière totalement déjantée — est une grande réussite. Il semble qu’elle paraisse assez régulièrement dans les pages de la revue de bédé Mister K.

Signalons pour être complet un album cartonné qui fait très Delcourt, pour un œil français, une histoire de steampunk orienté vers la fantasy, Las incredibles aventuras del Duque Dementira. Le Duc Dementira en question est un hardi robot auquel le Grand Mécanologue impérial dérobe par ruse sa source d’énergie perpétuelle, dans ce monde où l’énergie s’obtient par distillation de magie, ce qui la rend rare et précieuse. Pour la récupérer, le duc s’associe avec une ancienne victime du Mécanologue, le voleur Micifú. Rien de très révolutionnaire, mais un récit agréable et pas mal mené.

Enfin, je me suis acheté les deux premiers volumes de Visiones, par Hernán Rodriguez, un jeune auteur ibérique qui adapte les œuvres de H.P. Lovecraft. Si le dessin porte encore ses influences de façon assez visible (en particulier Druillet, sous une forme quelque peu diluée), l’adaptation suit des voies intéressantes: Rodriguez ose raconter « Je suis d’ailleurs » en mettant en scène le narrateur de bout en bout, et pas de façon subjective, un choix pas si évident; il fait du locataire de la chambre voisine de celle d’Erich Zann une femme. Rien de sensationnel, mais des idées originales et pertinentes qui montrent un esprit habile et imaginatif.

J’ai chopé quelques revues plus anecdotiques, un recueil de gags de bureau signé Miguel Angel Martín, qu’on a pourtant connu pour des séries carrément plus sulfureuses; ou deux numéros d’une traduction espagnole de Martin Mystère, qui semble n’avoir pas tenu tellement plus longtemps ici que chez nous.

Pour être complet, citons le numéro 6 d’une petite revue de bédé baptisée Cthulhu et consacrée à des histoires courtes sur des thèmes lovecraftiens. Ce numéro-ci était consacré au versant lovecraftien de l’œuvre de Robert Howard — probablement pour coller à la sortie au cinéma de Solomon Kane.

Et pour finir, une jolie plaquette (signée) de Daniel Torres, BCN-NYC, où se répondent des aquarelles des paysages urbains de Barcelone et de New York. Des évocations, des échos, des reflets dialoguent entre les œuvres. Très beau.

Bref, malgré un court séjour, assez de papier imprimé pour charger mes valises de retour et me donner de quoi perfectionner par la pratique mon espagnol rudimentaire. Je vous le disais: l’éducation se fait par le voyage.





2009 pour mémoire

31 12 2009

Dans un grand élan d’optimisme, j’avais ouvert ce blog pour me pousser aux fesses et m’inciter à dessinouiller un peu. J’en ai envie, mais il semble que chaque fois que je suis prêt à le faire, les événements conspirent à me tenir occupé à autre chose. Vu le mal que j’ai eu à dessiner ma carte de vœux cette année (je ne sais pas pourquoi, j’ai un blocage face au tigre, ça ne m’inspire vraiment pas), ce n’est peut-être pas plus mal. Mais quand même, alors que l’année s’achève un peu dans la confusion et l’incertitude, le projet d’un strip publié sur le Net ne m’a pas totalement abandonné. Ça s’appellera toujours Athanase 412, et pas mal de choses sont en place, à commencer par les personnages et la trajectoire des strips pendant un bon moment. À titre de vague preuve, le dessin ci-dessus met en place les deux protagonistes, l’un des deux apparaissant nettement avant l’autre.

Mais juste en teaser.

Yaka, maintenant.

On verra l’an prochain, maintenant. Bon réveillon!





Que sont les souris devenues?

30 10 2009

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Il y a des matins qui se lèvent dans un grand mystère.

J’habite un appartement dans une maison assez ancienne de Bordeaux (XVIIe siècle, je crois), et lors de la partition de l’immeuble d’origine, on a appliqué des pans de placoplâtre contre les moellons du mur d’origine, ce qui ménage assez d’interstices pour laisser s’installer une version jardin d’enfants des « Rats dans les murs » de Lovecraft. Le centre de Bordeaux est notoirement infesté de rongeurs.

Bref, j’ai de temps en temps des souris. J’ai cru un temps avoir colmaté toutes les brèches, mais les horripilants petits muscidés ont dû ronger le placoplâtre avec la détermination farouche et admirable des bestioles qui n’ont vraiment rien d’autre à glander de leur journée, et depuis quelques semaines c’est reparti. Il va falloir que je cherche le nouvel accès pour le boucher. En attendant, sous le plan de travail de la cuisine, à côté de la poubelle, j’ai placé deux tapettes appâtées avec du grain empoisonné. Comme ça, les murins bouffent le grain avec ruse, sans déclencher la tapette et s’en vont, tout contents du bon tour qu’ils m’ont joué… et expirent peu après dans d’effroyables souffrances. Oui, c’est moyen comme relations amicales avec nos amis les bêtes, mais je n’ai jamais prétendu que la Nature n’était pas cruelle, voire ignoble. Demandez-moi un jour de raconter l’histoire du souriceau et de la veille de Noël.

Bref, ce matin, je suis réveillé par les accents mélodieux de France-Mu, comme tous les matins. Apparemment, je n’ai pas été le seul, car en ouvrant les yeux, j’entends confusément un bruit à l’étage du dessous, que j’identifie vaguement comme le déclenchement d’une des tapettes: la souris broutait précautionneusement le grain quand le sonal du journal parlé l’a fait sursauter, avant de retomber lourdement — enfin, lourdement pour une souris — sur la tapette chargée. Et là, c’est le drame, le coup part tout seul. Couic. Enfin, c’est comme ça que je vois la scène.

Confirmation quand je descends: une petite souris grise a le kiki serré définitivement par la barre de la tapette et gît dans les boules rosâtres de grain empoisonné (de marque Férox, c’est vous dire que ça rigole pas).

En revanche, mystère hallucinant, la deuxième tapette a disparu! Je regarde derrière la poubelle, en supposant qu’elle s’est déclenchée et a sauté très haut, plus ou moins rebondi dans le bazar derrière. Non. Rien. Aucune trace. Partie. Envolée. Rien de rien de nib de que dalle. Et j’ai la vision un peu délirante d’une souris, la queue prise dans une tapette, en train de se traîner derrière le meuble de la cuisine pour agoniser (les bestioles sont hémophiles — elle serait toujours vivante, piégée dans sa tapette, je suppose que j’entendrais de sporadiques tentatives pour se libérer). Mais c’est lourd, quand même, une tapette, pour une petite souris.

Ou alors, elles l’ont rongée, se partageant la partie en bois pour ensuite traîner les bouts de ferraille quelque part dans leurs nids douillets, afin de meubler de façon art moderne. On connaît mal les goûts des souris en matière de décoration d’intérieur.

Ou alors c’est un rat, la tapette coincée en pinçon sur sa fourrure, et il erre dans les murs avec une lueur cramoisie de vengeance logée avec pugnacité au fond de ses petits yeux en vrille. Mais là, pour qu’il puisse repartir, c’est plus un trou de souris, que j’ai, c’est une entrée de métro. (Et peut-être qu’il a rapporté la tapette dans son antre, façon trophée, et qu’il médite des projets de représailles en fumant sa pipe et en lisant son journal, et…)

.

…je lis trop de bédés, moi…

.

Non, sérieux, j’aimerais bien savoir où est passée cette deuxième tapette. Ça me trouble et m’inquiète confusément.





Je déteste Peter de Sève…

22 10 2009

ducwhim

Bon, d’abord parce que j’étais sorti pour acheter le troisième volume de La Brigade chimérique et que la grosse rétrospective de ses dessins et croquis, A Sketchy Past, était parue, écrasant de sa masse arrogante un étalage complice. C’est un livre lourd. Et pas donné non plus.

Ensuite, parce que, forcément, j’ai craqué. Je résiste à tout sauf à la tentation, comme disait le sage Oscar.

Et enfin, parce qu’il est éminemment haïssable: ses dessins sont drôles, expressifs, rusés, élégants, inventifs. Et donnent l’impression d’avoir été dessinés sans effort, dans un moment d’amusement presque négligent.

Non, vraiment, je le déteste.

Qu’est-ce qu’il est beau, ce livre.

SketchLife

EDIT: Je viens de procéder à un feuilletage rapide du bouquin. Les couvertures du New Yorker sont désopilantes, superbes, et les croquis aussi réussis que les résultats finaux. Non, décidément, il est insupportable…